Vodou, élément constitutif essentiel de l'identité haïtienne.
Il existe une histoire glorieuse selon laquelle, le 18 novembre 1803, les Haïtiens ont définitivement brisé les chaînes de l'esclvage et de la colonisation à Saint-Domingue grâce aux forces mystérieuses du vodou tandis que, quelques années auparavant, soit en 1801, c'est le Gouverneur-général lui-même, monsieur Toussaint Louverture, ancien esclave, qui interdisait les manifestations publiques du vodou dans la colonie. Pourquoi? Parce que, selon le Gouverneur-général, le vodou est naturellement trop révolutionnaire.
Par définition, une religion est vue comme un système de pratiques et de croyances d'une communauté ou d'une société, considéré comme ce qui concerne la relation entre l'humanité et Dieu. En revanche, c'est Cicéron qui aurait définit pour la première fois le terme latin "religio" comme "le fait de s'occuper d'une nature supérieure que l'on appelle divine et de lui rendre un culte". Chaque communauté vénère Dieu selon sa propre vision du monde et non selon la vision des autres.
En Haïti, c'est l'Empereur Jean-Jacques Dessalines qui, dans la Constitution impériale de 1805, corrigera l'erreur de Toussaint Louverture en interdisant l'idée d'une religion dominante. Il favorisera la liberté des cultes et invitera le peuple d'Hayti à la tolérance dans la foi. Ainsi, plusieurs articles de la constitution du 20 mai 1805 expriment clairement ce que le Premier État Noir du monde moderne doit être du point de vue religieux:
"- La loi n'admet point la religion dominante; - La liberté des cultes est tolérée; - L'État ne pourvoit à l'entretien d'aucun culte ni d'aucun ministre." (Articles 50, 51 et 52 de la Constitution impériale de 1805).
En septembre 1935, mettant de côté que les Haïtiens ont conquis leur liberté grâce aux dieux du Vodou, le gouvernement de Sténio Joseph Vincent fait publier un décret-loi par lequel la pratique du Vodou est déclarée superstitieuse et doit être détruite. Six années plus tard, soit en 1941, le président Élie Lescot et le clergé catholique d'Haïti dont 90 % des membres sont Français à l'époque, s'appuient sur ce décret-loi pour persécuter tous les haïtiens qu'ils considèrent être des pratiquants du Vodou.
Cela dit, le clergé de l'église catholique et le gouvernement de Lescot détruisent les péristyles et font abattre les grands arbres "Mapou" sous prétexte que les loas y habitent. L'histoire d'Haïti retient cette chasse douloureuse aux vodouisants sous le nom de "Rejetés". Aucun gouvernement haïtien n'avait autant humilié ni n'avait autant rejeté sa culture, ses ancêtres, son peuple auparavant que celui d'Élie Lescot.
En outre, en mars 1949, le père Joseph Foisset du Petit Séminaire Collège Saint-Martial propose que le Bureau haïtien d'Éthnologie soit fermé. Pourquoi ? Parce que le Bureau d'Éthnologie sauvegarde une collection d'objets qui se rapporte au Vodou, et qu'il serait maléfique.
Dans "L’avenir du pays et l’action néfaste de M. Foisset", le docteur François Duvalier répond à plusieurs articles racistes du père de la congrégation des Pères du Saint-Esprit, publiés dans le journal catholique La Phalange. Pour François Duvalier, le père Joseph Foisset est un "réel danger" auquel la Première République Noire du monde doit faire face.
Monsieur Duvalier en profite pour reprocher aux religieux catholiques d'enseigner aux élèves haïtiens le mépris de la culture nationale, le mépris des Héros nationaux notamment Dessalines, et confie dans un texte qu'il a entendu d'un religieux, au lendemain des fêtes du Centenaire de l’indépendance, s'adressant aux élèves, l'enseignement suivant: "Votre Dessalines est en train de brûler en enfer pour tous les crimes qu’il a commis".
C'est-à-dire l'esclavage et la servitude ne sont pas des crimes, mais c'est la lutte pour la liberté menée par nos ancêtres qui en est un. Car, selon l'évangile chrétienne, les esclaves sont tenus d'obéir à leurs maîtres avec crainte et profond respect, avec sincérité de coeur, comme à Christ.
Le 29 mars 1987, la constitution haïtienne consacre un État laïc. Dans ses Articles 30 et 30.1, elle stipule que "Toutes les religions et tous les cultes sont libres. Toute personne a le droit de professer sa religion et son culte, pourvu que l’exercice de ce droit ne trouble pas l’ordre et la paix publics - Nul ne peut être contraint à faire partie d’une association ou à suivre un enseignement religieux contraire à ses convictions".
Et pour mettre fin aux désordres du passé, dans son Article 297, la Constitution haïtienne de 1987 est claire: "Toutes les Lois, tous les Décrets-Lois, tous les Décrets restreignant arbitrairement les droits et libertés fondamentaux des citoyens notamment le Décret-Loi du 5 septembre 1935 sur les croyances superstitieuses...Sont et demeurent abrogés".
Le 4 avril 2003, le président Jean Bertrand Aristide fait publier dans Le Moniteur, un arrêté avec les considérations que le vodou, Religion ancestrale, est un élément constitutif essentiel de l’identité nationale; qu'il est du devoir de l’État de protéger le patrimoine culturel de la Nation; considérant le développement croissant des organisations et associations issues du vodou, les efforts de structuration institutionnelle manifestés par les vodouisants représentant une portion considérable de la population haïtienne, la participation des vodouisants à la formation sociale, politique et morale du Peuple haïtien;
Considérant qu'il convient d’intégrer l’action du vodou dans le cadre de la philosophie de justice sociale et d’État de droit prônée par le Gouvernement; qu'il appartient à l’État de poser les bases indispensables à l’établissement de rapports harmonieux et juridiques; qu'il importe de prendre les mesures qui conviennent, pour éviter toute tentative d’inquisition et d’exclusion, pour sauvegarder l’intégrité nationale, défendre les intérêts généraux de la République, promouvoir l’ordre, assurer la paix et le bien-être de toute la population...
En somme, les dates du 20 mai 1805, du 29 mars 1987 et du 4 avril 2003 sont des moments importants dans l'histoire nationale, ne serait-ce pour la garantie des libertés fondamentales. Le fait que chaque fille, chaque fils de la terre sacrée et mystérieuse d'Haïti puisse pratiquer la religion de son choix et un culte librement est un acquis démocratique pour le peuple haïtien en général, et les adeptes du Vodou en particulier.
Pour études complémentaires, je vous recommande "la constitution impériale de 1805; le décret-loi de 1935 interdisant la pratique du vodou; la campagne "rejetés" de 1941; la constitution haïtienne du 29 mars 1987; l'arrêté présidentiel du 04 avril 2003; et les descriptions suivantes: 1) https://profileayiti.blogspot.com/2019/12/quand-le-vodou-juge-trop.html; 2 ) https://profileayiti.blogspot.com/2020/01/dessalinnes-interdit-la-suprematie.html 3) https://profileayiti.blogspot.com/2019/05/leglise-enseigne-le-mepris-de-dessalines.html
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M. Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.