12 janvier 2010 est une page sombre de l'histoire d'Haïti avec laquelle les Haïtiens sont obligés de vivre et doivent se la raconter au présent. Ce jour-là, le pays perd plus de 300 milles de ses fils, sa plus grande ville, Port-au-Prince, est entièrement détruite et 2 millions de sans-abri sont comptés. La plus grande catastrophe naturelle et humanitaire de l'année. La communauté internationale s'alarme, puis appelle au secours du pays, et presque partout dans le monde des campagnes de levée de fonds ou collecte de dons sont organisées au nom des Haïtiens. Entre temps, la République Bolivarienne de Vénézuéla annule les dettes d'Haïti envers elle, 295 millions dollars américains.
En mars 2010, la reconstruction nationale est officiellement annoncée lors de la Conférence de New-York. Le Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement National, PARDN, est présenté. Le président René Préval devra faire publier un arrêté par lequel la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti, CIRH, sera créée et dont la mission sera d’assurer la coordination et le déploiement efficaces des ressources, de répondre à des préoccupations relatives à la responsabilisation et à la transparence afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux, selon le document présenté le 31 mars 2010 à New-York, États-Unis.
Mais, qu'est-ce qui s'est vraiment passé par la suite?
En mai 2010, la présidence haïtienne rend publique une note datée du 17 mai 2010, signée par le président René Préval et son ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, Marie Michèle Rey, par laquelle on annonce la nomination officielle de plus d'une dizaine de citoyens haïtiens avec droit de vote au sein de la Cirh. La note mentionne également la nominaton de deux co-présidents de la commission. Il s'agit de William Jefferson Clinton dit Bill Clinton, ancien président des États-Unis, envoyé spécial des Nations-Unies en Haïti; et de Jean-Max Bellerive, premier ministre haïtien en fonction.
La nommination de l'ancien premier ministre jamaïcain, Percival J. Patterson, avec droit de vote, y est également mentionnée. Les personnalités suivantes sont également nommées avec droit de vote: Marie Georges Salomon et Suze Percy pour l'Exécutif d'Haïti; Joseph G. Louis pour la Fédération Nationale des Maires d'Haïti; Raoul Pierre-Louis pour les Fédérations des Casecs et des Asecs d'Haïti; Jean Claude Lebrun pour le secteur syndical; Garry Lissade et Georges Henri Fils pour le pouvoir judiciaire; Réginald Boulos pour le secteur privé des Affaires d'Haïti.
Le 14 décembre 2010, une séance est tenue à Santo-Domingo. Lors de cette rencontre, la partie haïtienne exprime ses inquiétudes et ses frustrations de la manière suivante: "Les douze membres de la partie haïtienne ici présents se sentent complètement débranchés de la vie de la CIRH. A l'heure des TIC, il existe un déficit crucial de communication et d'information de la part du secrétariat exécutif et encore plus du comité exécutif. En dépit de notre fonction dans la structure de l'institution, nous n'avons à ce jour reçu aucun rapport de suivi des activités de la CIRH. Les contacts s'établissent seulement à la veille des réunions du conseil d'administration. Le conseiller n'a ni le temps de lire, ni d'analyser, ni de comprendre et encore moins de réagir intelligemment aux projets qui lui sont soumis à la dernière minute, malgré toutes les doléances formulées et toutes les promesses faites à ce sujet".
Donc, les délégués haïtiens sont techniquement mis à l'écart et ignorent ce qui se fait au sein de la Commission intérimaire chargée de la reconstruction d'Haïti, la Cirh.
Les Haïtiens auraient-ils vraiment remis la reconstruction de leur pays à la charge des étrangers ou était-ce une propagande politique internationale?
Si les dirigeants haïtiens notamment les présidents et les parlementaires, controlés et sous-éduqués, ont toujours tendance à remettre la destinée d'Haïti entre les mains des étrangers, il est fondamental de souligner que des groupes organisés de la société haïtienne se sont toujours révoltés contre l'ingérence ou l'occupation étrangère.
Ainsi, en mars 2011, soi 14 mois après le séisme, la situation économique et sociale d'Haïti est si précaire, que des organisations haïtiennes demandent la révocation sans condition de la Cirh dans une déclaration publique et condamnent par avance le renouvellement éventuel de son mandat par les autorités. Nous vous invitons à lire cette déclaration:
"A l’occasion du premier anniversaire de la conférence des bailleurs de fonds sur la « Reconstruction d’Haïti », tenue au siège des Nations Unies à New York fin mars 2010, nous représentants et représentantes d’une quarantaine d’organisations et secteurs de la société haïtienne, réunis à Port-au-Prince le 26 mars 2011, avions réfléchi sur la trajectoire suivie par le pays depuis cette conférence.
Une année après les promesses de reconstruction à coup de milliards de dollars américains, nous constatons que rien de significatif n’a été véritablement entrepris. Aucune rupture n’a été amorcée avec les approches et pratiques traditionnelles qui ont, au fil des ans, appauvri et rendu et si vulnérables la République D’Haïti. Bien au contraire, nous assistons à une accélération de tous les phénomènes témoignant du déclin collectif et de la régression. Les millions de personnes affectées directement ou indirectement par le séisme continuent à en affronter les conséquences dans un grand dénuement et sans accompagnement. L’extraordinaire mouvement de solidarité inter-haïtienne qui s’est manifesté avec vigueur au lendemain du séisme a été complètement marginalisé par les forces dominantes.
Au cours de la journée de réflexion du 26 mars, des témoignages bouleversants sur le processus de détérioration des conditions de vie dans le pays ont été apportés par des personnes déplacées, des paysans pauvres, des femmes, des acteurs du monde de la communication, du secteur religieux, de la santé etc. Ils ont tous et toutes signalé l’absence de réponses de l’Etat aux problèmes sociaux les plus urgents, la précarité des conditions de vie particulièrement des personnes déplacées, les expulsions forcées, la tendance à la privatisation croissante des services de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau potable...
Les analyses et témoignages nous ont conduits au constat que collectivement la société haïtienne continue à être enfermée dans les mêmes pièges de l’exclusion, de la dépendance, de la méconnaissance de nos forces, de nos ressources, de notre identité, comme souligné dans notre déclaration rendue publique le 19 mars 2010. Les structures du système de domination et de dépendance se sont reproduites et renforcées avec la mise en place d’un dispositif stratégique réunissant la MINUSTAH, la CIRH et les grandes ONG internationales.
Désormais, ce sont ces instances, en particulier la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui orientent les destinées de notre pays et prennent toutes les décisions à notre place. On assiste ainsi à une complète marginalisation des acteurs haïtiens de tous les espaces stratégiques de décision. A travers la CIRH, se pratique une double exclusion : celle des institutions étatiques et celle du mouvement social. L’existence de la CIRH participe du processus de destruction des institutions et de l’économie haïtienne.
Nous réclamons la disparition de la CIRH dont l’existence constitue un affront à notre dignité collective. Les budgets relatifs aux projets spécifiques visant la réhabilitation et la mise en place de nouvelles infrastructures doivent être gérés par les organes compétents de l’Etat dans chacun des domaines concernés. Il faut mettre un terme à la création d’organismes parallèles qui accélèrent la destruction de l’Etat. Nous réclamons de préférence la mise en place de mécanismes nouveaux et efficaces de contrôle social assurant la participation des couches majoritaires du pays dans les prises de décisions et les orientations stratégiques.
Nous réaffirmons que la construction alternative de notre pays et la viabilité d’un avenir différent de celui d’aujourd’hui impliquent un processus de ruptures radicales d’avec les tendances actuelles: 1) Rupture avec l’exclusion qui s’exprime dans les rapports rural/urbain ; Port-au-Prince/arrière pays ; hommes/femmes et dans le refus de construire des services sociaux accessibles et universels. Il est inadmissible qu’en plein 21ème siècle près de 50% de la population est analphabète, près de 700,000 enfants ne sont pas scolarisés et 630 femmes périssent pour 100,000 naissances vivantes. 2) Rupture avec la dépendance qui s’exprime à travers une soumission presque totale d’une grande partie de la classe politique aux grandes puissances, une situation de tutelle de fait avec la mise en place de la MINUSTAH en 2004 et qui évolue vers un processus débridé de recolonisation avec l’instauration de la CIRH en avril 2010. Le rôle joué par la communauté internationale dans les décisions concernant les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 et du 20 mars 2011 participe de cette dépendance accrue. 3) Rupture avec le modèle de croissance hyperconcentré, extraverti, anti-paysan et anti-national exprimé à travers le modèle de la sous-traitance internationale et celui de la surexploitation, la spéculation, les rentes et les monopoles. Il nous faut construire un modèle de développement qui repose sur l’agriculture, l’agro-industrie tournée vers la satisfaction des besoins prioritaires du marché national en répondant à nos besoins alimentaires et énergétiques. Il nous faut un modèle économique en rupture avec la logique de rente et de spéculation et tournée vers la production de richesses, la valorisation de notre culture nationale et la récupération de notre capital boisé. 4) Rupture avec les rapports entre l’Etat et la Nation et les rapports de propriété qui doit s’exprimer à travers la mise en place d’un Etat qui se préoccupe désormais de sa population, qui redéfinit l’espace collectif et qui effectue une réforme du régime foncier et agraire tant en milieu rural qu’urbain. 5) Rupture avec la lecture coloniale de notre pays qui doit s’exprimer à travers l’abandon d’un certain discours qui véhicule un mépris absolu de notre culture et de notre trajectoire historique.
Au nom de toutes les victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010, nous exigeons la définition et la mise en œuvre d’un nouveau projet de société en Haïti. L’actuel plan dit de Reconstruction et de Relèvement National (PARDN), concocté par des experts, sans la participation des secteurs vitaux de la nation, ne saurait nous conduire dans cette voie.
Nous signataires de cette déclaration, nous nous engageons plus que jamais dans une dynamique de propositions et de mobilisations afin d’aboutir à la concrétisation d’un véritable plan de construction alternative pour Haïti.
Pour les organisations ayant participé à la rencontre: Colette Lespinasse, GARR; Camille Chalmers, PAPDA
Organisations signataires de la déclaration:
APWOLIM, CMD-OD, VEDEK, MOPP, KONSA, KPSKBM, RACPABA, MITPA, SOFA, MOREPLA, TET KOLE TI PEYIZAN AYISYEN, SAKS, KLK, MODEP, GREDESH, PAPDA, GARR, SAKA, AJMDH, ASCOEH, SAJ / VEYE YO, POHDH, Fondation Zanmi Timoun, FGPB, ARDFD, CAMP TABARRE ISSA, ICKL, CERFAS, Sèk Gramsci, Camp Juampas - Lascohabas, CEAAL-Haïti, CRAD"
Pourquoi la Cirh n'a pas reconstruit le pays? Avait-elle vraiment cette mission?
Nous estimons que la Conmission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti n'a pas reconstruit le pays parce qu'elle avait d'autres priorités, que l'argent de la reconstruction avait fait fausses routes de très tôt avec la complicité des autorités haïtiennes, et que la mission qui lui avait été donnée de reconstruire le pays, a été par la suite reléguée au dixième plan.
En effet, dans "Haïti. Mais où diable est passé l'argent de la reconstruction?", publié le 12 janvier 2012, Bill Quigley et Amber Ramanauskas de Courriel International nous expliquent sept endroits où les dons de la reconstruction sont ou ne sont pas allés en se basant sur un rapport d'un site américain, Counter Punch, qui dit clairement dans quelles poches est tombé l'argent de la reconstruction d'Haïti. Nous avons le privilège de soumettre à votre jugement un extrait de l'article:
"Comme beaucoup d’autres personnes dans le monde, les Haïtiens se demandent où est passé l’argent. Voilà sept endroits où les dons sont ou ne sont pas allés.
1) Le bénéficiaire principal de l’argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s’est révélé être le gouvernement des Etats-Unis. Il en va de même pour les donations des autres pays.
Juste après le séisme, les Etats-Unis ont consenti une aide de 379 millions de dollars et ont envoyé 5 000 soldats. L’agence américaine Associated Press a découvert en janvier 2010 que 33 centimes de chacun de ces dollars avaient en fait été rendus directement aux Etats-Unis pour compenser le coût de l’envoi des troupes militaires. Pour chaque dollar, 42 centimes ont été envoyés à des ONG publiques et privées comme Save the Children, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l’Organisation panaméricaine de la santé.
L’ensemble du 1,6 milliard de dollars alloué par les Etats-Unis au secours d’urgence a été dépensé de la même façon : 655 millions de dollars ont servi à rembourser le département de la Défense, 220 millions ont été envoyés au département de la Santé et des Services à la personne pour qu’il aide les Etats américains à fournir des services aux réfugiés haïtiens, 350 millions ont été affectés à l’aide d’urgence fournie par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), 150 millions sont partis au département de l’Agriculture pour participer à l’aide alimentaire d’urgence, 15 millions au département de la Sécurité intérieure pour couvrir les frais d’immigration, etc.
L’aide internationale a été répartie de la même façon. L’envoyé spécial des Nations unies pour Haïti a révélé que l’argent du fonds humanitaire, soit 2,4 milliards de dollars, avait été distribué de la façon suivante : 34 % ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l’intervention d’urgence, 28 % attribués à des agences des Nations unies et à des ONG, 26 % alloués à des sociétés privées et à d’autres ONG, 5 % reversés à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge, 1 % a été versé au gouvernement haïtien et 0,4 % à des ONG haïtiennes.
2) Seulement 1 % des dons a été envoyé au gouvernement haïtien. Selon l’agence Associated Press, sur chaque dollar accordé par les Etats-Unis pour l’aide d’urgence, moins d’un centime est parvenu au gouvernement haïtien. Il en va de même avec les autres donateurs internationaux. Le gouvernement haïtien n’a absolument pas été mis à contribution dans le cadre de l’intervention d’urgence menée par les Etats-Unis et la communauté internationale.
3) Des sommes dérisoires sont parvenues aux entreprises et aux ONG haïtiennes. Le Center for Economic and Policy Research, la meilleure source d’information qui soit dans ce domaine, a analysé les 1 490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, et s’est rendu compte que seuls 23 d’entre eux avaient été accordés à des entreprises haïtiennes. Dans l’ensemble, les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants, dont 4,8 millions seulement à des sociétés haïtiennes, soit environ 2,5 % du total. Quant aux sociétés privées de la région de Washington DC, elles ont reçu 76 millions de dollars, soit 39,4 % du total.
L’ONG Refugees International a indiqué que leurs collaborateurs sur place avaient eu du mal à accéder aux réunions opérationnelles organisées dans le complexe des Nations unies. D’autres ont noté que la plupart des réunions de coordination de l’aide internationale n’étaient même pas traduites en créole, langue que parlent la majorité des Haïtiens !
4) Un pourcentage non négligeable de l’argent a été transmis aux organismes internationaux d’assistance et aux grandes organisations non gouvernementales faisant partie de réseaux influents. La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 millions de dollars de dons pour Haïti. Selon l’organisation, deux tiers de cet argent a servi à sous-traiter l’intervention d’urgence et la reconstruction, bien qu’il soit difficile d’obtenir plus de détails. Le salaire annuel du PDG de la Croix-Rouge est supérieur à 500 000 dollars par an [390 000 euros, soit 33 000 euros par mois].
On peut aussi mentionner le contrat de 8,6 millions de dollars entre Usaid et la société privée CHF, chargée de nettoyer les décombres dans Port-au-Prince. CHF est une entreprise de développement international qui, politiquement, fait partie de réseaux influents, qui a un budget annuel de plus de 200 millions de dollars et dont le PDG a gagné 451 813 dollars [354 000 euros] en 2009. Les bureaux de CHF en Haïti “sont installés dans deux hôtels particuliers spacieux de Port-au-Prince et l’entreprise dispose d’une flotte de véhicules flambant neufs,” selon le magazine Rolling Stone.
Rolling Stone a également révélé l’existence d’un autre contrat, d’une valeur de 1,5 million dollars, accordé au cabinet de conseil Dalberg Global Development Advisors, dont le siège est à New York. Selon l’article, le personnel de Dalberg “n’avait jamais vécu à l’étranger, n’avait aucune expérience en matière de catastrophe naturelle ou d’urbanisme, et n’avait jamais été responsable de programmes sur le terrain”, et seul un membre de l’équipe parlait français.
Le 16 janvier 2010, George W. Bush et Bill Clinton ont annoncé le lancement d’une collecte de fonds pour Haïti. En octobre 2011, les dons avaient atteint la somme de 54 millions de dollars. Deux millions ont contribué à la construction d’un hôtel de luxe en Haïti, pour un budget total de 29 millions de dollars.
5) Une partie de l’argent a été versée à des entreprises qui profitent des catastrophes naturelles. Lewis Lucke, un coordinateur haut placé d’Usaid, a rencontré le Premier ministre haïtien deux fois à la suite du tremblement de terre. Il a ensuite démissionné et a été embauché – pour un salaire mensuel de 30 000 dollars - par la société Ashbritt, installée en Floride (déjà célèbre pour avoir obtenu des subventions considérables sans appel d’offres après l’ouragan Katrina) et par un partenaire haïtien prospère, afin de faire du lobbying pour obtenir des contrats. Lewis Lucke a déclaré qu’il était “devenu évident que si la situation était gérée correctement le séisme pouvait apparaître comme une opportunité autant que comme une calamité”. Ashbritt et son partenaire haïtien se sont rapidement vu attribuer un contrat de 10 millions de dollars sans appel d’offres.
6) Une partie non négligeable de l’argent promis n’a jamais été distribuée. La communauté internationale a décidé de ne pas laisser le gouvernement haïtien gérer le fonds d’assistance et de relèvement et a insisté pour que deux institutions soient créées pour approuver les projets et les dépenses dédiées aux fonds de reconstruction envoyés pour Haïti : la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) et le Fonds pour la reconstruction d’Haïti.
En mars 2010, lors d’une conférence, les Etats membres de l’ONU se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars sur deux ans et un total de 9,9 milliards de dollars sur trois ans. En juillet 2010, seules 10 % des sommes promises avaient été versées à la CIRH.
7) Une grande partie de l’argent donné n’a pas encore été dépensée. Près de deux ans après le tremblement de terre, moins de 1 % des 412 millions de dollars alloués par les Etats-Unis à la reconstruction d’infrastructures en Haïti ont été dépensés par Usaid et le département d’Etat américain, et seuls 12 % ont réellement été affectés, selon un rapport publié en novembre 2011 par le bureau américain chargé du contrôle des comptes (GAO)."
Pour conclure, nous pensons qu'il est temps que les Haïtiens prennent en charge la reconstruction de leur propre pays. Bien qu'ils soient controlés et sous-éduqués, les Haïtiens ont les potentiels nécessaires pour construire ou reconstruire Haïti. En revanche, nous sommes convaincus que la reconstruction d'Haïti n'aura pas lieu tant que le problème de la propagande politique et médiatique n'est pas résolu. Le pays ne sera pas reconstruit tant que le mensonge médiatique ne cessera pas d'être considéré mieux que la vérité; tant que le fanatisme politique ne cessera pas de remplacer le devoir patriotique. La société haïtienne ne se relèvera pas tant que l'illusion n'arrêtera pas de prendre l'autorité sur la raison; tant que l'amateurisme n'arrêtera pas de défier le professionalisme.
Pour études supplémentaires, PROFILE AYITI vous recommande le Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement National, PARDN; Alter Presse, 1er mars 2011. “Atmosphere houleuse lors de la reunion de la CIRH”; Counter Punch Petrolia; Couriel International.
Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.
En mars 2010, la reconstruction nationale est officiellement annoncée lors de la Conférence de New-York. Le Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement National, PARDN, est présenté. Le président René Préval devra faire publier un arrêté par lequel la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d'Haïti, CIRH, sera créée et dont la mission sera d’assurer la coordination et le déploiement efficaces des ressources, de répondre à des préoccupations relatives à la responsabilisation et à la transparence afin de maximiser les appuis fournis par les bailleurs de fonds internationaux, selon le document présenté le 31 mars 2010 à New-York, États-Unis.
Mais, qu'est-ce qui s'est vraiment passé par la suite?
En mai 2010, la présidence haïtienne rend publique une note datée du 17 mai 2010, signée par le président René Préval et son ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, Marie Michèle Rey, par laquelle on annonce la nomination officielle de plus d'une dizaine de citoyens haïtiens avec droit de vote au sein de la Cirh. La note mentionne également la nominaton de deux co-présidents de la commission. Il s'agit de William Jefferson Clinton dit Bill Clinton, ancien président des États-Unis, envoyé spécial des Nations-Unies en Haïti; et de Jean-Max Bellerive, premier ministre haïtien en fonction.
La nommination de l'ancien premier ministre jamaïcain, Percival J. Patterson, avec droit de vote, y est également mentionnée. Les personnalités suivantes sont également nommées avec droit de vote: Marie Georges Salomon et Suze Percy pour l'Exécutif d'Haïti; Joseph G. Louis pour la Fédération Nationale des Maires d'Haïti; Raoul Pierre-Louis pour les Fédérations des Casecs et des Asecs d'Haïti; Jean Claude Lebrun pour le secteur syndical; Garry Lissade et Georges Henri Fils pour le pouvoir judiciaire; Réginald Boulos pour le secteur privé des Affaires d'Haïti.
Le 14 décembre 2010, une séance est tenue à Santo-Domingo. Lors de cette rencontre, la partie haïtienne exprime ses inquiétudes et ses frustrations de la manière suivante: "Les douze membres de la partie haïtienne ici présents se sentent complètement débranchés de la vie de la CIRH. A l'heure des TIC, il existe un déficit crucial de communication et d'information de la part du secrétariat exécutif et encore plus du comité exécutif. En dépit de notre fonction dans la structure de l'institution, nous n'avons à ce jour reçu aucun rapport de suivi des activités de la CIRH. Les contacts s'établissent seulement à la veille des réunions du conseil d'administration. Le conseiller n'a ni le temps de lire, ni d'analyser, ni de comprendre et encore moins de réagir intelligemment aux projets qui lui sont soumis à la dernière minute, malgré toutes les doléances formulées et toutes les promesses faites à ce sujet".
Donc, les délégués haïtiens sont techniquement mis à l'écart et ignorent ce qui se fait au sein de la Commission intérimaire chargée de la reconstruction d'Haïti, la Cirh.
Les Haïtiens auraient-ils vraiment remis la reconstruction de leur pays à la charge des étrangers ou était-ce une propagande politique internationale?
Si les dirigeants haïtiens notamment les présidents et les parlementaires, controlés et sous-éduqués, ont toujours tendance à remettre la destinée d'Haïti entre les mains des étrangers, il est fondamental de souligner que des groupes organisés de la société haïtienne se sont toujours révoltés contre l'ingérence ou l'occupation étrangère.
Ainsi, en mars 2011, soi 14 mois après le séisme, la situation économique et sociale d'Haïti est si précaire, que des organisations haïtiennes demandent la révocation sans condition de la Cirh dans une déclaration publique et condamnent par avance le renouvellement éventuel de son mandat par les autorités. Nous vous invitons à lire cette déclaration:
"A l’occasion du premier anniversaire de la conférence des bailleurs de fonds sur la « Reconstruction d’Haïti », tenue au siège des Nations Unies à New York fin mars 2010, nous représentants et représentantes d’une quarantaine d’organisations et secteurs de la société haïtienne, réunis à Port-au-Prince le 26 mars 2011, avions réfléchi sur la trajectoire suivie par le pays depuis cette conférence.
Une année après les promesses de reconstruction à coup de milliards de dollars américains, nous constatons que rien de significatif n’a été véritablement entrepris. Aucune rupture n’a été amorcée avec les approches et pratiques traditionnelles qui ont, au fil des ans, appauvri et rendu et si vulnérables la République D’Haïti. Bien au contraire, nous assistons à une accélération de tous les phénomènes témoignant du déclin collectif et de la régression. Les millions de personnes affectées directement ou indirectement par le séisme continuent à en affronter les conséquences dans un grand dénuement et sans accompagnement. L’extraordinaire mouvement de solidarité inter-haïtienne qui s’est manifesté avec vigueur au lendemain du séisme a été complètement marginalisé par les forces dominantes.
Au cours de la journée de réflexion du 26 mars, des témoignages bouleversants sur le processus de détérioration des conditions de vie dans le pays ont été apportés par des personnes déplacées, des paysans pauvres, des femmes, des acteurs du monde de la communication, du secteur religieux, de la santé etc. Ils ont tous et toutes signalé l’absence de réponses de l’Etat aux problèmes sociaux les plus urgents, la précarité des conditions de vie particulièrement des personnes déplacées, les expulsions forcées, la tendance à la privatisation croissante des services de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau potable...
Les analyses et témoignages nous ont conduits au constat que collectivement la société haïtienne continue à être enfermée dans les mêmes pièges de l’exclusion, de la dépendance, de la méconnaissance de nos forces, de nos ressources, de notre identité, comme souligné dans notre déclaration rendue publique le 19 mars 2010. Les structures du système de domination et de dépendance se sont reproduites et renforcées avec la mise en place d’un dispositif stratégique réunissant la MINUSTAH, la CIRH et les grandes ONG internationales.
Désormais, ce sont ces instances, en particulier la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Haïti (CIRH) qui orientent les destinées de notre pays et prennent toutes les décisions à notre place. On assiste ainsi à une complète marginalisation des acteurs haïtiens de tous les espaces stratégiques de décision. A travers la CIRH, se pratique une double exclusion : celle des institutions étatiques et celle du mouvement social. L’existence de la CIRH participe du processus de destruction des institutions et de l’économie haïtienne.
Nous réclamons la disparition de la CIRH dont l’existence constitue un affront à notre dignité collective. Les budgets relatifs aux projets spécifiques visant la réhabilitation et la mise en place de nouvelles infrastructures doivent être gérés par les organes compétents de l’Etat dans chacun des domaines concernés. Il faut mettre un terme à la création d’organismes parallèles qui accélèrent la destruction de l’Etat. Nous réclamons de préférence la mise en place de mécanismes nouveaux et efficaces de contrôle social assurant la participation des couches majoritaires du pays dans les prises de décisions et les orientations stratégiques.
Nous réaffirmons que la construction alternative de notre pays et la viabilité d’un avenir différent de celui d’aujourd’hui impliquent un processus de ruptures radicales d’avec les tendances actuelles: 1) Rupture avec l’exclusion qui s’exprime dans les rapports rural/urbain ; Port-au-Prince/arrière pays ; hommes/femmes et dans le refus de construire des services sociaux accessibles et universels. Il est inadmissible qu’en plein 21ème siècle près de 50% de la population est analphabète, près de 700,000 enfants ne sont pas scolarisés et 630 femmes périssent pour 100,000 naissances vivantes. 2) Rupture avec la dépendance qui s’exprime à travers une soumission presque totale d’une grande partie de la classe politique aux grandes puissances, une situation de tutelle de fait avec la mise en place de la MINUSTAH en 2004 et qui évolue vers un processus débridé de recolonisation avec l’instauration de la CIRH en avril 2010. Le rôle joué par la communauté internationale dans les décisions concernant les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2010 et du 20 mars 2011 participe de cette dépendance accrue. 3) Rupture avec le modèle de croissance hyperconcentré, extraverti, anti-paysan et anti-national exprimé à travers le modèle de la sous-traitance internationale et celui de la surexploitation, la spéculation, les rentes et les monopoles. Il nous faut construire un modèle de développement qui repose sur l’agriculture, l’agro-industrie tournée vers la satisfaction des besoins prioritaires du marché national en répondant à nos besoins alimentaires et énergétiques. Il nous faut un modèle économique en rupture avec la logique de rente et de spéculation et tournée vers la production de richesses, la valorisation de notre culture nationale et la récupération de notre capital boisé. 4) Rupture avec les rapports entre l’Etat et la Nation et les rapports de propriété qui doit s’exprimer à travers la mise en place d’un Etat qui se préoccupe désormais de sa population, qui redéfinit l’espace collectif et qui effectue une réforme du régime foncier et agraire tant en milieu rural qu’urbain. 5) Rupture avec la lecture coloniale de notre pays qui doit s’exprimer à travers l’abandon d’un certain discours qui véhicule un mépris absolu de notre culture et de notre trajectoire historique.
Au nom de toutes les victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010, nous exigeons la définition et la mise en œuvre d’un nouveau projet de société en Haïti. L’actuel plan dit de Reconstruction et de Relèvement National (PARDN), concocté par des experts, sans la participation des secteurs vitaux de la nation, ne saurait nous conduire dans cette voie.
Nous signataires de cette déclaration, nous nous engageons plus que jamais dans une dynamique de propositions et de mobilisations afin d’aboutir à la concrétisation d’un véritable plan de construction alternative pour Haïti.
Pour les organisations ayant participé à la rencontre: Colette Lespinasse, GARR; Camille Chalmers, PAPDA
Organisations signataires de la déclaration:
APWOLIM, CMD-OD, VEDEK, MOPP, KONSA, KPSKBM, RACPABA, MITPA, SOFA, MOREPLA, TET KOLE TI PEYIZAN AYISYEN, SAKS, KLK, MODEP, GREDESH, PAPDA, GARR, SAKA, AJMDH, ASCOEH, SAJ / VEYE YO, POHDH, Fondation Zanmi Timoun, FGPB, ARDFD, CAMP TABARRE ISSA, ICKL, CERFAS, Sèk Gramsci, Camp Juampas - Lascohabas, CEAAL-Haïti, CRAD"
Pourquoi la Cirh n'a pas reconstruit le pays? Avait-elle vraiment cette mission?
Nous estimons que la Conmission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti n'a pas reconstruit le pays parce qu'elle avait d'autres priorités, que l'argent de la reconstruction avait fait fausses routes de très tôt avec la complicité des autorités haïtiennes, et que la mission qui lui avait été donnée de reconstruire le pays, a été par la suite reléguée au dixième plan.
En effet, dans "Haïti. Mais où diable est passé l'argent de la reconstruction?", publié le 12 janvier 2012, Bill Quigley et Amber Ramanauskas de Courriel International nous expliquent sept endroits où les dons de la reconstruction sont ou ne sont pas allés en se basant sur un rapport d'un site américain, Counter Punch, qui dit clairement dans quelles poches est tombé l'argent de la reconstruction d'Haïti. Nous avons le privilège de soumettre à votre jugement un extrait de l'article:
"Comme beaucoup d’autres personnes dans le monde, les Haïtiens se demandent où est passé l’argent. Voilà sept endroits où les dons sont ou ne sont pas allés.
1) Le bénéficiaire principal de l’argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s’est révélé être le gouvernement des Etats-Unis. Il en va de même pour les donations des autres pays.
Juste après le séisme, les Etats-Unis ont consenti une aide de 379 millions de dollars et ont envoyé 5 000 soldats. L’agence américaine Associated Press a découvert en janvier 2010 que 33 centimes de chacun de ces dollars avaient en fait été rendus directement aux Etats-Unis pour compenser le coût de l’envoi des troupes militaires. Pour chaque dollar, 42 centimes ont été envoyés à des ONG publiques et privées comme Save the Children, le Programme alimentaire mondial des Nations Unies et l’Organisation panaméricaine de la santé.
L’ensemble du 1,6 milliard de dollars alloué par les Etats-Unis au secours d’urgence a été dépensé de la même façon : 655 millions de dollars ont servi à rembourser le département de la Défense, 220 millions ont été envoyés au département de la Santé et des Services à la personne pour qu’il aide les Etats américains à fournir des services aux réfugiés haïtiens, 350 millions ont été affectés à l’aide d’urgence fournie par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), 150 millions sont partis au département de l’Agriculture pour participer à l’aide alimentaire d’urgence, 15 millions au département de la Sécurité intérieure pour couvrir les frais d’immigration, etc.
L’aide internationale a été répartie de la même façon. L’envoyé spécial des Nations unies pour Haïti a révélé que l’argent du fonds humanitaire, soit 2,4 milliards de dollars, avait été distribué de la façon suivante : 34 % ont été renvoyés aux organismes civils et militaires des donateurs pour l’intervention d’urgence, 28 % attribués à des agences des Nations unies et à des ONG, 26 % alloués à des sociétés privées et à d’autres ONG, 5 % reversés à des sociétés nationales et internationales de la Croix-Rouge, 1 % a été versé au gouvernement haïtien et 0,4 % à des ONG haïtiennes.
2) Seulement 1 % des dons a été envoyé au gouvernement haïtien. Selon l’agence Associated Press, sur chaque dollar accordé par les Etats-Unis pour l’aide d’urgence, moins d’un centime est parvenu au gouvernement haïtien. Il en va de même avec les autres donateurs internationaux. Le gouvernement haïtien n’a absolument pas été mis à contribution dans le cadre de l’intervention d’urgence menée par les Etats-Unis et la communauté internationale.
3) Des sommes dérisoires sont parvenues aux entreprises et aux ONG haïtiennes. Le Center for Economic and Policy Research, la meilleure source d’information qui soit dans ce domaine, a analysé les 1 490 contrats attribués par le gouvernement américain entre janvier 2010 et avril 2011, et s’est rendu compte que seuls 23 d’entre eux avaient été accordés à des entreprises haïtiennes. Dans l’ensemble, les Etats-Unis ont distribué 194 millions de dollars à des sous-traitants, dont 4,8 millions seulement à des sociétés haïtiennes, soit environ 2,5 % du total. Quant aux sociétés privées de la région de Washington DC, elles ont reçu 76 millions de dollars, soit 39,4 % du total.
L’ONG Refugees International a indiqué que leurs collaborateurs sur place avaient eu du mal à accéder aux réunions opérationnelles organisées dans le complexe des Nations unies. D’autres ont noté que la plupart des réunions de coordination de l’aide internationale n’étaient même pas traduites en créole, langue que parlent la majorité des Haïtiens !
4) Un pourcentage non négligeable de l’argent a été transmis aux organismes internationaux d’assistance et aux grandes organisations non gouvernementales faisant partie de réseaux influents. La Croix-Rouge américaine a reçu plus de 486 millions de dollars de dons pour Haïti. Selon l’organisation, deux tiers de cet argent a servi à sous-traiter l’intervention d’urgence et la reconstruction, bien qu’il soit difficile d’obtenir plus de détails. Le salaire annuel du PDG de la Croix-Rouge est supérieur à 500 000 dollars par an [390 000 euros, soit 33 000 euros par mois].
On peut aussi mentionner le contrat de 8,6 millions de dollars entre Usaid et la société privée CHF, chargée de nettoyer les décombres dans Port-au-Prince. CHF est une entreprise de développement international qui, politiquement, fait partie de réseaux influents, qui a un budget annuel de plus de 200 millions de dollars et dont le PDG a gagné 451 813 dollars [354 000 euros] en 2009. Les bureaux de CHF en Haïti “sont installés dans deux hôtels particuliers spacieux de Port-au-Prince et l’entreprise dispose d’une flotte de véhicules flambant neufs,” selon le magazine Rolling Stone.
Rolling Stone a également révélé l’existence d’un autre contrat, d’une valeur de 1,5 million dollars, accordé au cabinet de conseil Dalberg Global Development Advisors, dont le siège est à New York. Selon l’article, le personnel de Dalberg “n’avait jamais vécu à l’étranger, n’avait aucune expérience en matière de catastrophe naturelle ou d’urbanisme, et n’avait jamais été responsable de programmes sur le terrain”, et seul un membre de l’équipe parlait français.
Le 16 janvier 2010, George W. Bush et Bill Clinton ont annoncé le lancement d’une collecte de fonds pour Haïti. En octobre 2011, les dons avaient atteint la somme de 54 millions de dollars. Deux millions ont contribué à la construction d’un hôtel de luxe en Haïti, pour un budget total de 29 millions de dollars.
5) Une partie de l’argent a été versée à des entreprises qui profitent des catastrophes naturelles. Lewis Lucke, un coordinateur haut placé d’Usaid, a rencontré le Premier ministre haïtien deux fois à la suite du tremblement de terre. Il a ensuite démissionné et a été embauché – pour un salaire mensuel de 30 000 dollars - par la société Ashbritt, installée en Floride (déjà célèbre pour avoir obtenu des subventions considérables sans appel d’offres après l’ouragan Katrina) et par un partenaire haïtien prospère, afin de faire du lobbying pour obtenir des contrats. Lewis Lucke a déclaré qu’il était “devenu évident que si la situation était gérée correctement le séisme pouvait apparaître comme une opportunité autant que comme une calamité”. Ashbritt et son partenaire haïtien se sont rapidement vu attribuer un contrat de 10 millions de dollars sans appel d’offres.
6) Une partie non négligeable de l’argent promis n’a jamais été distribuée. La communauté internationale a décidé de ne pas laisser le gouvernement haïtien gérer le fonds d’assistance et de relèvement et a insisté pour que deux institutions soient créées pour approuver les projets et les dépenses dédiées aux fonds de reconstruction envoyés pour Haïti : la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH) et le Fonds pour la reconstruction d’Haïti.
En mars 2010, lors d’une conférence, les Etats membres de l’ONU se sont engagés à verser 5,3 milliards de dollars sur deux ans et un total de 9,9 milliards de dollars sur trois ans. En juillet 2010, seules 10 % des sommes promises avaient été versées à la CIRH.
7) Une grande partie de l’argent donné n’a pas encore été dépensée. Près de deux ans après le tremblement de terre, moins de 1 % des 412 millions de dollars alloués par les Etats-Unis à la reconstruction d’infrastructures en Haïti ont été dépensés par Usaid et le département d’Etat américain, et seuls 12 % ont réellement été affectés, selon un rapport publié en novembre 2011 par le bureau américain chargé du contrôle des comptes (GAO)."
Pour conclure, nous pensons qu'il est temps que les Haïtiens prennent en charge la reconstruction de leur propre pays. Bien qu'ils soient controlés et sous-éduqués, les Haïtiens ont les potentiels nécessaires pour construire ou reconstruire Haïti. En revanche, nous sommes convaincus que la reconstruction d'Haïti n'aura pas lieu tant que le problème de la propagande politique et médiatique n'est pas résolu. Le pays ne sera pas reconstruit tant que le mensonge médiatique ne cessera pas d'être considéré mieux que la vérité; tant que le fanatisme politique ne cessera pas de remplacer le devoir patriotique. La société haïtienne ne se relèvera pas tant que l'illusion n'arrêtera pas de prendre l'autorité sur la raison; tant que l'amateurisme n'arrêtera pas de défier le professionalisme.
Pour études supplémentaires, PROFILE AYITI vous recommande le Plan d'Action pour le Relèvement et le Développement National, PARDN; Alter Presse, 1er mars 2011. “Atmosphere houleuse lors de la reunion de la CIRH”; Counter Punch Petrolia; Couriel International.
Charles Philippe BERNOVILLE
Président et directeur des recherches.