Au dernier exposé, nous avons vu comment le Général en Chef de l'Armée d'Hayti, S.E. Henry Christophe, a recadré le général de Division de l'Ouest, Alexandre Pétion, dans une lettre responsive suite à ses critiques à l'encontre d'une mission confiée au général Dartiguenave par le Chef provisoire du Gouvernement. Nous avons dit que ce qui s'est passé par la suite était intéressant. Pourquoi? Parce qu'une étude approfondie de ces correspondances historiques nous permet de connaître les causes réelles de la mort de Dessalines et celles de la division géographique, administrative et politique d'Hayti de 1807 à 1820.
Ce duel de correspondances auquel nous prenons part avec un esprit critique poussé, est socio réél. C'est un duel entre deux hommes politiques qui sont incapables de s'entendre sur des questions stratégiques et militaires au lendemain de la mort de leur chef; un duel d'insubordination opposant un Général en Chef de l'Armée, également Chef provisoire du Gouvernement, à son subalterne; un duel entre la sévérité progressiste et la tolérance sans borne et sans limite; un duel enfin entre deux projets de société distincts.
Nous avons donc le privilège de soumettre à votre intelligence la lettre responsive du Commandant de la 2ème Divison de l'Ouest au Général en Chef de l'Armée d'Hayti dans laquelle Alexandre Pétion menace à Henry Christophe de le faire abattre, c'est-à-dire de le faire tuer de la même manière que le premier empereur d'Hayti, Jean-Jacques Dessalines, a été abattu. Pétion prévoit d'utiliser le même peuple qui a assassiné Dessalines contre Christophe. Mais, de quel peuple parle-t-il puisque nous savons que Dessalines n'a pas été tué par le peuple? Il est important de rappeler que la présente lettre a été retrouvée à la Bibliothèque Nationale de France. Lisez-la et attendez notre prochaine publication!
"Port-au-Prince, le 24 décembre 1806
Le Général de Division PETION,
Commandant de la 2ème division de l’Ouest,
et membre de l’Assemblée Constituante,
Au Général en Chef Henry CHRISTOPHE,
Chef provisoire du Gouvernement.
J’ai reçu, général, votre lettre du 19 courant, à laquelle je vais répondre.
A l’égard de ce que vous me dites relativement au 3ème bataillon de la 20ème demi-brigade, j’avais senti aussi toute la conséquence de sa démarche, mais je n’ai pas pensé que dans les circonstances où nous sommes, la sévérité fût le seul remède auquel il fallût recourir; et je suis loin de croire qu’elle aurait produit l’effet que vous présumiez. Dans le passage d’un gouvernement à un autre, si l’on peut s’opposer à ce que les lois soient entièrement suspendues, il est difficile d’empêcher qu’elles ne perdent une partie de leur force et de leur énergie.
Quant à la mission du général Dartiguenave dans le Sud, je n’ai fait que conformer à votre lettre dont il était porteur et par laquelle vous m’invitez à l’aider de mes conseils, et si je me suis permis de vous faire quelques observations, ce n’est que parce que vous m’avez autorisé à cela par plusieurs de vos lettres, entr’autre celle du 23 Octobre où vous vous expliquez ainsi: “personne mieux que vous, mon cher camarade, ne connaît mes principes et mon désintéressement pour toute espèce d’emploi; il m’a fallu un aussi puissant motif pour me déterminer à accepter ce fardeau énorme, avec la persuasion que j’ai, que vous concourrez en votre particulier, à m’aider de vos lumières lorsque le bien l’exigera”.
Connaissant les principes du général Gérin, je suis persuadé général, qu’il ne regarde pas plus des deux divisions du Sud comme sa propriété, que je ne regarde celle de l’Ouest comme la mienne: je pense même qu’aucun autre fonctionnaire ne peut avoir une semblable idée. Le prix des services du général Gérin comme le prix des miens, est la gloire d’avoir reconquis la liberté de notre pays: si nous avions l’ambition, après la journée du 17 octobre nous étions les maîtres d’y donner un libre cours, tandis que notre démarche au contraire a prouvé qu’elle était désintéressement. Le grade de général de division que j’occupe en ce moment, suffit à mon ambition, et je serai toujours prêt à m’en démettre, lorsque le bien public l’exigera. J’ai prouvé plus d’une fois que je n’ai jamais connu ni l’intrigue ni l’ambition, ni la voix publique ne laisse aucun doute à cet égard, c’est pourquoi j’eusse désiré que vous m’eussiez fait connaître quels sont ceux qui tiennent le fil des trames que vous dites qui s’ourdissent dans l’Ouest et dans le Sud, car j’aime aussi que l’on me parle ouvertement et que l’on s’explique catégoriquement; alors je pourrais y répondre.
L’accusation que vous me faites de ne pas réfléchir sur les lettres que je vous écris, m’a fait beaucoup réfléchir sur la vôtre et sur votre dernière proclamation, et j’y ai vu un acte peu propre à ramener les esprits vers un même but; je crois devoir vous dire que j’ai l’habitude aussi de réfléchir sur mes actions; et dans toutes, je prends pour guide l’opinion publique et l’intérêt de mon pays.
Enfin, citoyen général, la Constitution va paraître, et je suis comme vous d’avis qu’elle ne sera point consacrée à favoriser les intrigants ni à leur donner les moyens d’alimenter leurs passions: le peuple en abattant le Tyran à la journée à jamais mémorable du 17 Octobre, n’a pas fait la guerre pour tuer un homme, mais bien pour détruire la tyrannie et pour changer la forme de gouvernement qui ne pouvait lui convenir en rien, et établir sa souveraineté; c’est au moment que cet acte de sa volonté suprême devra recevoir son exécution qu’on connaîtra les ambitieux et les intrigants; pour moi je suis prêt, à déposer à ses mains les pouvoirs que je reconnais ne tenir que de lui, et à soumettre ma volonté particulière à la volonté générale: c’est alors que le peuple distinguera ses vrais amis d’avec les ambitieux: malheur à ces derniers!.. S’il n’a pas craint d’abattre la tête de Dessalines, pourra-t-il trembler des intrigants et des ambitieux subalternes?
J’ai l’honneur de vous saluer.
Signé: PETION
Au Port-au-Prince, chez Fourcand, imprimeur du Gouvernement."
Pour études complémentaires, PROFILE AYITI vous recommande la bnf et les descriptions ci-dessous:
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Notes de Charles Philippe BERNOVILLE